« Les Fiançailles de l’aube » de Victor Varjac

Chez Victor Varjac, le titre d’une œuvre est à la fois l’introduction, le condensé mais surtout la semence même du recueil.
Les graines de la pensée, de l’émotion sont jetées à poignées le long de cet étrange sentier qu’est la vie; cette route est bordée de lis et d’orties, de verveines parfumées et de redoutables ronces et nous n’échapperons ni à la tendresse de la création ni au venin de la mort. Mais ce que nous découvrons toujours avec la même émotion chez ce poète, c’est ce foyer intérieur qui brûle d’une flamme continue, alimentée tout à la fois par la passion d’être et l’art d’écrire.
Les poèmes de ce recueil font littéralement éclater le Verbe en véritables feux d’artifices d’images fantastiques, somptueuses, insolites, merveilleuses, inimaginables incarnant la défaite de l’impossible et la déroute de tout ce qui limite l’horizon de la Vie.
Victor Varjac sait nous parler d’amour, de toutes les nuances de l’amour, il murmure avec des mots délicats toute la puissance de la tendresse paternelle qu’il éprouve pour sa fille Clarissa. L’amour filial qu’il porte à sa mère est tout aussi puissant : dans le miroir de la vie apparait le visage d’une vieille dame qui se penche sur celui d’une jeune fille; ainsi vont les fiançailles du temps… Et le sentier bordé de fleurs heureuses poursuit sa lente et sinueuse progression. L’amour chez cet auteur n’a jamais été si présent, si sensible, si troublant, si mystérieux. Le poète avance dans le temps accompagné par de nombreux amis. Ce cortège familier, émouvant comme une fresque vivante et fragile est menacée par la succession des jours qui, à chaque instant peut tout effacer. Dans ce livre d’heures dont la composition s’étale sur quatre longues années, Varjac déclare ouvertement la guerre à la mort qu’il estime totalement injuste et parfaitement révoltante.
Nous avons été admis comme témoins dans ce parcours à plusieurs visages, où certains poèmes, dès la première lecture, nous sont familiers comme s’ils existaient depuis toujours. Mais l’inadmissible est là: l’ennemie que le poète (créateur par excellence selon l’étymologie grecque) ne peut admettre et Varjac veut l’attaquer en guerrier. Or, nul n’échappe à son destin, ni le soldat ni le tyran, ni l’esclave, ni le chêne qu’on abat ou le chat familier épuisé de vieillesse, vaincu par les flèches de l’âge. Toute la création est destinée à l’inéluctable fin ; le poète peut-il enrayer le destin auquel Zeus lui-même était soumis ? Il doit faire face à la résignation universelle, à la collaboration passive qui donne à la mort le droit à l’impunité. Ici, le poète a résolument pris une toute autre direction que l’avenir prévu, organisé, programmé où le temps incarne le « traître » par excellence, le « grand ami sournois » avec lequel il est impossible de négocier, ni même de dialoguer, laissant à cette fameuse mort toujours le dernier mot. En s’attaquant à ces disparitions obligatoires, incontournables, acceptées par l’ensemble de la race humaine, l’artiste solitaire, lutte fièrement contre le chaos, l’oubli, le néant. Mais les mots et les images seront-ils suffisants pour arracher aux ténèbres voraces les paroles et les gestes que le temps disperse ?
Victor Varjac a puisé son inspiration dans sa colère existentielle. Les fiançailles de l’aube où la nuit enfante le soleil seront-elles célébrées? Avec des mots très simples, dans un style fluide et toujours inimitable, le poète s’impose dans son rôle de guide et de berger de la lumière.
Andrée SATGER
Rencontres Artistiques et Littéraires
Extrait du recueil
“Les Fiançailles de l’Aube”
Illustrations de Jacques COURTENS.
À paraître
Chaque apparition ressemble
à un adieu
une dernière valse
une main si légère
au bras de l’heure
inconstante et volage…
A peine disparue
je cherche ton image
au milieu du désert
ton visage si doux
et le chant… le chant
de tes yeux verts…
Comment oublier
la source de ta voix
sans rencontrer
les douleurs de l’absence
la chaise vide
et le monde sans regard ?…
J’ai tellement froid
dans ma chair
on dirait l’hiver
qui se jette sur moi !
J’ai perdu ta chaleur
dans le bruit de mes pas…
Reste le souvenir
ton visage si doux
comme une cruauté
les heures sacrifiées
et le chant… le chant
de tes yeux verts…
Victor VARJAC
Antibes,
le 27 novembre 2012
Engagement at Dawn by Victor Varjac
In Victor Varjac’s work, the title is all in one, the introduction, the digest and most of all, the very seed of the collection.
The seeds of his thoughts, of his emotion are scattered by handfuls along the strange path that is life: this road is lined with lilies, nettles, fragrant vervain and dreadful brambles and we cannot hope to escape the tenderness of creation nor the venom of death. But what we continually discover in this poet’s works, and always with the same emotion, is this inner refuge that burns with a constant flame fed at once by his passion of just being alive and the art of writing. The poems in this collection literally explode words in as many fireworks of fantastic, sumptuous, strange, marvellous, unimaginable images incarnating the defeat of what was deemed impossible and the collapse of everything that limits Life’s horizons. Victor Varjac knows how to speak to us of love, of all its nuances; he whispers with delicate words of the power of the fatherly tenderness he feels for his daughter Clarissa. The filial love he feels for his mother is just as potent: in the mirror of life appears the face of an elderly lady leaning over that of a young girl; thus goes the engagement with life… And the path lined with flowers continues its slow and winding progression. Love, in this author’s works, has never been so present or sensitive, so moving, so mysterious. The poet walks thru time along with many friends. This familiar procession, moving like a living and fragile fresco is threatened by the succession of days that, at any given moment, can erase everything. In this book of hours the composition of which spreads over four long years, Varjac openly declares war on death that he feels to be out rightly totally unfair and perfectly revolting.
We have been admitted as witnesses in this many-faced journey where certain poems, from the very first reading on seem familiar to us as if they had always been with us. But the unacceptable is also present: the enemy that the poet (a creator par excellence according to Greek etymology) cannot accept and that Varjac wishes to fight as a warrior. But no one escapes her or his destiny, not the soldier or the tyrant, or the slave, or the oak tree that is cut down, or the familiar cat exhausted by old age, defeated by the arrows of time. All creation is destined to its inevitable end; can the poet escape what even Zeus was submitted to? He must face universal resignation, the passive cooperation that allows death a right to impunity. Here, the poet has resolutely taken a different direction from what fate had initially planned, organized, programmed where time incarnates the « traitor » par excellence, the sly « great friend » with whom it is impossible to negotiate or even to converse, as It always has the last word. By taking on obligatory, inescapable disappearances which are accepted by the human race as a whole, the solitary artist fights proudly against chaos, oversights, nothingness. But will words and images be enough to tear out from darkness the power of speech and the gestures that Time scatters ?
Victor Varjac has drawn his inspiration from his existential anger. Will the engagement at dawn where night gives birth to the sun, be celebrated ? With very simple words, in a fluid and still inimitable style, the poet is imperative as a guide and shepherd leading towards light.
Andrée SATGER
Artistic and literary festivals
Excerpt from the book
« The Engagment of Dawn »
Illustrations by Jacques Courtens,
Soon to be published
Each apparition resembles
A farewell
one last waltz
a slight of hand
to the arm of time
variable and unfaithful
So soon gone
I start looking for your image
in the middle of the desert
your face so soft
and the chanting, enchanting
of your green eyes…
How can I forget
The source of your voice
without feeling
the pain of absence
the empty chair
and the world, like blind ?…
I feel so cold
in my flesh
it seems winter is still here
and grasps me.
I have lost your warmth
in the sound of my steps…
What is left are memories
of your face so soft
like something cruel
moments sacrificed
and that chant… enchanting
of your green eyes…
Victor VARJAC
Antibes,
November 27th 2012