La Bataille de Bouvines

1214
La Bataille de Bouvines
Le chef-d’œuvre du roi Philippe II Auguste
Bérengère Bienfait, historienne
Il y a 800 ans, en juillet 1214, avait lieu à Bouvines, une bataille remportée par le roi de France Philippe Auguste sur les coalisés. Cette victoire fut d’une importance considérable. Bien au-delà de son aspect guerrier, elle fut l’acte fondateur de la nation française et elle généra des transformations sensibles dans plusieurs pays européens.
Les conquêtes de Philippe II inquiétaient profondément les grands d’Europe du Nord. C’est pourquoi une coalition se forma en 1214, qui comprenait Jean sans Terre, Otton IV, empereur germain, Ferdinand de Portugal, les comtes de Boulogne et de Flandre. Le 27 juillet 1214, la bataille eut lieu au sud-est de Lille, à Bouvines, sur un front de deux kilomètres. Une terrible et sanglante mêlée dura tout le jour. Mais les observations constantes des positions ennemies, les contremarches, les regroupements plutôt déconcertants, ainsi que l’ultime intervention de la cavalerie de l’armée française, assurèrent la victoire totale à Philippe Auguste. Le traité de Chinon en septembre 1214, conforta les possessions françaises au nord de la Loire : plus du tiers de la France fut reconquis. En outre, la victoire de Bouvines provoqua un enthousiasme incroyable dans le royaume qui laissa ensuite place à un fort et tout nouveau sentiment patriotique : la nation française était en train de naître !
Quand Philippe Auguste repousse l’Empereur
La guerre qui opposait le roi de France à l’Angleterre de Jean sans Terre, se poursuivait depuis des années entrecoupées de trêves et de campagnes tournant à l’avantage de Philippe II. Mais en 1213, après l’échec d’une tentative d’invasion de l’Angleterre, Philippe se trouva isolé et en bien mauvaise posture. En effet, les intrigues de son ancien fidèle Renaud de Dammartin, qui l’avait trahi pour rallier le parti de Jean sans Terre, commençaient à porter leurs fruits. Le comte de Flandre, Ferrand, cadet de la famille royale du Portugal, conforté par l’alliance anglaise, obligea Philippe Auguste à de fréquentes campagnes destinées à ravager son comté. En février 1214, tandis que le roi d’Angleterre débarquait à La Rochelle, une troupe de ses soldats ralliait l’armée réunie à Valenciennes et composée des fidèles de Ferrand de Flandre, de Renaud de Dammartin et de l’Empereur Otton, neveu du roi Jean, auxquels s’ajoutaient le duc de Brabant et ses soldats de fortune, originaires des pays du Rhin et que l’on nommait Brabançons, le duc de Lorraine, le comte de Boulogne, celui de Hollande, et tant d’autres encore. Tous ceux-ci firent alors route en direction de Philippe Auguste.
L’infériorité numérique de Philippe Auguste
Le roi de France, désormais rassuré par la nouvelle de la victoire de son fils Louis face à Jean sans Terre à la Roche-aux-Moines, le 2 juillet 1214, opéra un mouvement vers le Nord et installa son camp à Péronne. Son armée était peu nombreuse. Les barons d’Ile-de-France, le duc de Bourgogne, le comte de Dreux, les évêques de Laon, de Senlis et de Beauvais, qui avaient emmené leurs fidèles, avaient répondu à l’appel. Les milices des communes de Picardie vinrent appuyer l’armée des barons français : elles étaient composées de citadins habitués à combattre à pied. Mais c’était bien peu pour faire face à la redoutable coalition. Alors que Philippe faisait route vers Tournai pour attaquer la Flandre, les coalisés tentèrent de lui enlever toute possibilité de repli en marchant sur la petite localité de Bouvines. Pressentant le danger, Philippe résolut de battre en retraite afin de gagner Lille. L’empereur Otton s’étonna d’avoir rattrapé le roi de France qui l’avait d’ailleurs sans doute attiré dans un piège. Les deux armées entrèrent en contact près du pont de Bouvines, entre Tournai et l’abbaye de Cysoing. L’issue de la bataille ne faisait aucun doute tant les forces étaient inégales. Ce dimanche 27 juillet 1214, vers midi, après longuement hésité car on ne combattait pas le jour du Seigneur, Philippe II décida néanmoins d’accepter le combat. Mais le moine Guillaume Le Breton qui accompagnait son maître, et avait été chargé par lui de rapporter ses exploits dans sa chronique officielle, sentit bien que la bataille serait décisive : le sort des armes refléterait sans nul doute le Jugement de Dieu.
Otton tombe dans un piège !
C’est l’hypothèse de la Chronique rimée de Mousket : « À l’approche de la nuit, fut réuni le conseil, Entre lui et ses hauts barons, Car le bon roi, avec ses compagnies (vers 21555) Voulait se rendre à Mortagne. Mais tous ceux de sa suite Ne surent que lui conseiller. Quand eut dit chacun sa raison, Suivant au mieux ses intentions, (v.21560) Girard la Truie après parla « Sire, fait-il, vous n’irez là ; Trop, il y a de mauvais pas et rudes, Et aussi il y a trois grands villages Et deux petites rivières en outre, (v.21565) Qu’on ne pourrait passer en ce lieu. Mais retirez-vous vers votre terre, Et les Flamands, désirant la guerre, Si vous arrière retournez, Alors diront que vous fuyez, (v.21570) Et lors vous suivront avec orgueil, Comme présomptueux, sans aucun ordre, Car chacun d’eux veut être Sire, Et vous, sans couronne et sans colère. Ordonnez une bonne arrière garde, (v.21575) De manière que jamais l’ost ne s’en sépare. Et aussi rangez vos batailles, Et faites aller vos piétailles Près de leurs armes par ruse. Ils seront ainsi prêts si on les attaque. (v.21580) Lors, ainsi, vous verrez les Flamands venir, Qui se mettront à votre convenance. » Tout ainsi fut accepté, Et de plus rien il ne fut discuté. Dormir ils allèrent et se reposer, (v.21585) Et quand vint le jour, Le roi rangea ses batailles, Et fit ordonner ses piétailles. Et le charroi et les bêtes de somme Partirent devant pendant ce temps. (v.21590) »
Les exploits de la chevalerie française
C’était la première fois depuis bien longtemps qu’une véritable bataille était menée. En effet, jusqu’ici, les opérations s’étaient limitées pour l’essentiel à des sièges et à des escarmouches. Talonnée par les coalisés commandés par l’Empereur Otton, l’arrière-garde de Philippe aperçut soudain les troupes alliées. L’armée d’Otton et de ses amis se rangea alors en plusieurs colonnes et attaqua cette arrière-garde. Le choc bien que très brutal n’empêcha pas la résistance des hommes de Philippe, lui donnant le temps de disposer le reste de ses troupes et de contre-attaquer. Les fantassins n’eurent guère le temps d’entamer les opérations décisives : déjà, les cavaliers se jetaient les uns sur les autres. Les combattants se lancèrent dans la mêlée avec bravoure et fureur, digne bataille de chevaliers ! Les deux armées tentèrent de mettre la main sur leurs chefs respectifs. Tandis que les chevaliers français Girard La Truie et Guillaume des Barres manquèrent de peu de frapper à mort l’Empereur Otton, le roi de France, perdu au milieu des redoutables sergents impériaux qui venaient de le désarçonner, ne réussit à se dégager qu’avec l’aide providentielle de ses barons.
Très vite, le duc de Brabant, persuadé que la partie était perdue, quitta le champ de bataille, ce qui provoqua un mouvement de panique dans les rangs des coalisés. La colonne de gauche, commandée par le comte Ferrand de Flandre, fut finalement dispersée par le duc de Bourgogne. Le comte fut lui-même blessé : capturé, il fut jeté dans les cachots de la tour du Louvre, d’où il ne sortit qu’en 1226. L’Empereur, suivi d’un char orné des aigles impériales, abandonna alors précipitamment le combat en laissant sa bannière sur le champ de bataille. Les jours de son règne étaient désormais comptés – réfugié à Cologne, il fut dépossédé de son titre de Roi des Romains par Frédéric II, l’année suivante -. Isolé, Renaud de Dammartin assistait à la déroute des Brabançons et finit par se rendre. On se disputa la gloire de sa capture, et lui aussi connaîtrait par la suite les sinistres geôles de Philippe Auguste. A la fin de cette journée, les fuyards, pourchassés par les hommes de Philippe II, furent capturés en grand nombre. La victoire était totale. Son retentissement dans une grande partie du royaume fut immense puisqu’elle marquait le début de la prise de conscience d’une véritable nation unie autour de son souverain.
Bouvines : de la bataille au mythe
Extrait cité par Georges Duby, in : Le dimanche de Bouvines, Paris, 1985 :
« Bouvines a été utilisé dans le but de magnifier la figure du souverain Philippe II, surnommé Auguste en souvenir du premier empereur romain. Guillaume Le Breton dans sa Philippide, exalte la puissance sereine en confrontant sa bannière, l’oriflamme glorieux de Saint-Denis, à celle d’Otton : « Bientôt Otton (…) élève dans les airs son étendard, s’environne des honneurs suprêmes de l’Empire, afin de faire briller ses faisceaux au milieu d’un si grand appareil et de se proclamer le souverain du monde entier. Il fait dresser au-dessus d’un char un pal, autour duquel s’entortille un dragon qui se fait voir ainsi au loin et de tous côtés, se gonflant de la queue et des ailes, aspirant les vents, montrant ses dents horribles et ouvrant son énorme gueule ; au-dessus du dragon plane l’oiseau de Jupiter, aux ailes dorées (…). Quant au roi Philippe Auguste, il lui suffit de faire voltiger légèrement dans les airs sa simple bannière, formée d’un simple tissu de soie d’un rouge éclatant, et semblable en tout point aux bannières dont on a coutume de se servir pour les processions de l’Eglise aux jours précis. »
Chronologie (extrait)
20 juillet 1214 : l’Empereur Otto de Brunswick avait concentré à Valenciennes une armée de 15 000 à 20 000 hommes, comprenant, outre les Germains, des Anglais, des Brabançons, des Lorrains, et surtout les contingents de Renaud de Dammartin, comte de Boulogne, et de Ferrand de Portugal, comte de Flandre. Quant à Philippe Auguste, il disposait de 12 000 à 15 000 hommes qu’il avait entrepris de réunir à Péronne. Ils étaient tous là, les vaillants chevaliers, Barthélémy de Trie, Gautier de Nemours, Gérard La Truie, Mathieu de Montmorency, et le bon conseiller du roi, Guérin, religieux de l’ordre des Frères de Saint-Jean de Jérusalem, qui venait du reste d’être désigné pour l’évêché de Senlis. Sans oublier les milices communales, l’infanterie envoyée par les bonnes villes d’Amiens, de Beauvais, de Compiègne et d’Arras. Le roi leur confia l’oriflamme de France qu’il avait envoyé quérir à Saint-Denis avant de partir pour le Nord.
La bataille de Bouvines en détail
Il faudrait certainement tenter d’abord d’imaginer le terrain, tel qu’il se présentait à cette époque : des forêts et des tourbières (la grande forêt charbonnière, coupée par des cours d’eau). Seul émerge le plateau de Bouvines, hameau placé le long de la voie romaine de Lens à Tournai, près du carrefour où cette voie coupe la route de Valenciennes à Lille, au passage de la rivière Marcq. Le plateau y a depuis été déboisé et se trouve aujourd’hui recouvert de champs de blé. Après avoir appris la défaite subie par Jean sans Terre à la Roche-aux-Moines, Philippe Auguste décida de se porter au-devant des coalisés avant que ne fût renforcée l’armée d’Otton de Brunswick. Mais, au lieu de prendre la route directe de Douai à Valenciennes, il résolut d’opérer un mouvement tournant par Bouvines et Tournai, avant de tomber par le Nord sur le dos des Impériaux. Douai, Lille et Tournai étaient des villes fidèles au roi, et les campagnes, très riches, permettaient de fournir des vivres à l’armée. Le 26 juillet, Philippe franchit le pont de La Marcq et s’installa à Tournai, soucieux de prendre l’ennemi à revers. Pourtant, Otton ayant été averti, avait quitté Valenciennes, se portant sur Mortagne, non loin de Saint-Amand, au confluent de la Scarpe et de l’Escaut, dans une position très forte et qui favorisait l’excellente infanterie anglo-flamande. Tournai fut démantelé. Le plan de Philippe Auguste avait échoué puisque l’ennemi était sur ses gardes. Il lui fallait donc maintenant revenir sur Lille et, pour cela, franchir de nouveau le pont de La Marcq à Bouvines. A peine trois lieues séparaient les deux armées ! Après bien des hésitations, Philippe Auguste battit en retraite vers Lille. Prévenu de sa marche, l’Empereur décida d’attaquer ses arrière-gardes quand le gros de l’armée aurait passé le pont de Bouvines. Il était persuadé que l’armée française était en pleine retraite.
Il convient maintenant de laisser la parole au chroniqueur Guillaume Le Breton qui assista à la bataille aux côtés du roi : « Le dimanche 27 juillet, le roi décampa de Tournai pour se rendre à Lille. Dans le même temps, Otton décampait de Mortagne… Le vicomte de Melun et frère Guérin, s’étant écartés de l’ost, purent voir d’un point élevé, les ennemis en ligne qui s’avançaient en formation de combat. Ils dirent au roi que ses ennemis s’avançaient rangés et prêts pour la bataille. Philippe réunit les Grands et les consulta. Ceux-ci ne conseillèrent guère d’engager le combat. Nous nous avançâmes donc jusqu’à un pont du nom de Bouvines. Déjà, la plus grande partie de l’armée avait franchi le pont. Tandis que le roi, un peu fatigué par le poids de ses armes et par la chaleur, se reposait un instant sous un frêne en buvant dans un saladier de vin chaud, ses agents de liaison vinrent lui annoncer que l’arrière-garde, commandée par le comte de Champagne, était déjà aux prises avec l’ennemi et avait grand-peine à arrêter ses assauts. Alors, le roi remet son armure après avoir fait une brève prière dans l’église de Saint-Pierre. Il a un visage gai et joyeux. Pourtant on crie à travers champs : Aux armes, aux armes, guerriers ! Les trompettes retentissent. Les bataillons qui avaient déjà passé le pont font demi-tour. Chacun prend sa place. »
Disposition des troupes
Les troupes furent disposées sur deux kilomètres environ de la façon suivante : l’infanterie française en avant et à l’aile droite ; la cavalerie en seconde ligne, le roi, au centre du dispositif, entouré de chevaliers. En face, l’aile droite opposée à l’aile gauche française, était tenue par le comte de Boulogne qui avait sagement conseillé d’éviter le combat et s’était fait injurier par l’Empereur Otton. Au centre, l’Empereur derrière l’infanterie flamande ; l’aile gauche opposée à l’aile droite française, était commandée par le comte de Flandre. Il faut noter que les Français combattant à l’ouest, avaient le soleil derrière eux. Le premier engagement eut lieu entre le comte de Flandre et l’aile droite du roi où se trouvaient le duc de Bourgogne, le comte de Saint-Pol et Mathieu de Montmorency. Frère Guérin, que son habit religieux empêchait de combattre, exhortait les guerriers. Les adversaires furent disposés sur mille pas environ. Peu à peu, la fureur française produisit son effet. « La victoire voltigeait encore d’une aile hésitante dans ce secteur après un combat acharné qui avait duré trois heures lorsque tout le poids de la bataille se tourna entre Ferrand et les siens. Percé de nombreuses blessures, renversé à terre, il fut emmené prisonnier et un grand nombre de ses chevaliers avec lui. » Entre-temps, la bataille s’était enflammée au centre avec l’arrivée des contingents des communes portant fièrement l’étendard de Saint-Denis.
Hélas, cette piétaille mal exercée ne put résister à l’ardeur des fantassins teutoniques qui la dispensaient, parvenant même à la hauteur du roi : « Qu’ils jetèrent à bas de son cheval. » Ce fut l’instant le plus dramatique du combat. Mais les chevaliers français accoururent en voyant l’oriflamme agitée frénétiquement par celui qui la portait, un certain Galon de Montigny, et bientôt la cavalerie française fonça sur la cavalerie d’Otton, poussant à son tour, jusqu’à l’Empereur. « Pierre Mauvoisin, chevalier, saisit Otton lui-même par la bride de son cheval, mais il ne put le tirer de la foule dans laquelle il était coincé. » D’un coup de couteau, Girard la Truie tua le cheval de l’Empereur qui se cabra, se tourna et s’abattit. Otton s’enfuit sur un autre cheval après avoir abandonné l’aigle et le char qu’il montait. « – Nous ne verrons plus sa face aujourd’hui, déclara Philippe Auguste. » A l’aile gauche française, opposée aux hommes de Renaud de Dammartin, la bataille se poursuivit plus longuement. Renaud savait qu’il avait trahi. Il se défendit avec l’opiniâtreté du désespoir. Il finit lui aussi, par être entouré, fait prisonnier et chargé de fers. La dernière résistance fut opposée par les fantassins Brabançons qui se firent massacrer sur place, au nombre de deux cents environ, plutôt que de reculer.
Sur l’aile droite, la lutte est encore plus acharnée qu’ailleurs. La cavalerie flamande est si efficace que les Français ont de grandes difficultés à l’entamer. C’est alors qu’une nouvelle tactique est élaborée ; les comtes de Saint-Pol, de Montmorency, de Beaumont, de Melun, accompagnés de chevaliers se constituent en pelotons indépendants. Ces sections ont pour mission de pénétrer séparément à travers les rangs flamands puis de revenir sur leurs pas, culbutant tout sur leur passage. Ils se reposent, puis recommencent avec la même ardeur. Après trois heures de lutte, les Flamands enfin rompus se dispersent ou sont faits prisonniers. Le vitrail représente le peloton du comte de Saint-Pol, le plus brillant et le plus valeureux de tous.
Ce fut Thomas de Saint-Valéry qui en vint à bout avec cinquante cavaliers et deux cents fantassins. Il n’y eut qu’un blessé dans sa troupe. La nuit tomba ; Philippe Auguste, connaissant mal le terrain, n’osa poursuivre l’ennemi en déroute Il fit donc sonner les trompettes, rappela les unités « qui rentrèrent au camp avec une grande joie ». La coalition était vaincue. La bataille de Bouvines s’achevait en une incontestable victoire. Il n’en fallait pas toutefois exagérer les péripéties. Ce fut une mêlée confuse comme tous les combats féodaux. La participation des milices communales ne paraît pas avoir apporté un grand secours à l’ost français. De stratégie, il n’y en eut point. Le commandement était aussi médiocre d’un côté que de l’autre. En fait, s’il existait des règles de tactique pour la guerre de siège, la guerre de mouvement, les batailles en rase campagne se livraient sans plan arrêté. Les blessés furent soignés par les médecins qui accompagnaient l’armée et les captifs, emmenés en prison.
Un retour triomphal
Ce fut réellement un retour triomphal : dans tous les villages, les cloches sonnaient ; les paysans, quittant les moissons qu’ils étaient occupés à ramasser, se postaient le long du chemin dans le but d’acclamer le roi et les chevaliers vainqueurs. En outre, on tendait des tapisseries sur les façades des maisons comme pour une procession. Les captifs étaient tués, surtout Ferrand de Portugal dont les Flamands fidèles au roi de France redoutaient la brutalité et la vengeance. Le comte, blessé, était couché sur une civière traînée par deux chevaux. Les gens criaient à son passage : « – Ferrand est bien ferré ! ». A Paris, ce fut du délire. Les bourgeois parisiens, accompagnés des étudiants, du clergé, du peuple, allèrent au devant de Philippe II en chantant des hymnes. Durant sept nuits et sept jours, on dansa dans les rues, on s’offrit des banquets. Les étudiants surtout, manifestèrent une bruyante allégresse. Renaud de Dammartin fut enfermé au château de Péronne, avant d’être ensuite transféré au château du Goulet, en Normandie. Prisonnier à vie, il mourut treize années plus tard, au début du règne de Saint-Louis. Sa terre avait été donnée à son gendre Philippe Hurepel et à sa fille Mathilde. Le sort de Ferrand de Portugal ne fut pas plus heureux. Il passa lui aussi treize ans dans un cachot de la tour du Louvre. Il finit par être libéré en 1227, au grand déplaisir de sa femme Jeanne, qui, ayant fait annuler son mariage sous un vague prétexte de parenté, s’apprêtait à se remarier avec le duc de Bretagne, Pierre Mauclerc. Ultime conséquence de la bataille de Bouvines !